SEMINAIRE

Architectures : une hantologie

Vaisseaux fantômes

Maxime Lamarche – Artiste – Maître de conférences associé ATR-APV – ENSASE

JEUDI 11 AVRIL 9h30 – 12h30
atelier 404

Né en 1988 à Audincourt (25), Maxime Lamarche vit et travaille à Saint-Etienne.
Il suit d’abord une formation de génie mécanique à Montbéliard puis sera diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Lyon en 2012. Son travail de sculpture et d’installation est visible notamment lors du voyage à Nantes (2012), à la Biennale de design de Saint-Étienne (2014 et 2022), à la Biennale d’art contemporain de Lyon (2015) ainsi que lors du Printemps de septembre à Toulouse (2018), mais également au CAFA Art Museum de Pékin (2017).
En 2018 il séjourne 11 jours avec l’expédition artistique MATZA au sommet du glacier
d’Aletsch en Suisse.

Au travers des paysages et architectures qu’il convie, Maxime Lamarche interroge la durée de survie de nos fantasmes et de nos illusions avec ses sculptures hybrides aux équilibres précaires. Il détourne architectures, bateaux, véhicules, et autres objets symboliques pour voir émerger leur charge culturelle. Jouant sur
les échelles et les potentialités évocatrices de ses oeuvres, il amorce un récit qui déroute et questionne notre finitude, échafaudant les formes de demain à partir de celles du monde d’hier.

Note d’intention :

Artiste, dit « sculpteur » je développe un travail artistique polymorphe autour de la vaste notion d’image, m’intéressant aux figures que génèrent les périodes fastes et de crises successives de notre société.
J’emprunte de nombreuses techniques issues de la construction mécanique (soudure, assemblage bois, composites…), mixant les plus artisanales avec les technologies les plus pointues selon mes besoins. Je détourne des objets symboliques issus de la « société des loisirs » pour interroger  leur charge culturelle, notamment voitures, bateaux et architectures qui interviennent dans mes installations artistiques. Questionné par la finitude de notre monde j’utilise les reliquats de la société d’hier comme matière créatrice.

Chercheur, j’ai participé en 2018 à l’expédition MATZA, Mass In Motion (de Sévérin Guelpa). Cette résidence-exposition au sommet du plus grand glacier d’Europe fait le postulat de la randonnée comme outil de positionnement et de lecture du monde. Expérimenter de nouveaux modes de fonctionnements artistiques tel que Matza loin des cimaises est pour moi une source de motivation liée à la pratique de l’art. C’est pourquoi en 2020-2021 je collabore avec Boris Raux sur un projet de « sculpture-outil » La fabrique de sol vivant qui permet in fine la mise en place d’une culture de sol en friche.

Mobile, car questionné par les traces que l’homme laisse dans le paysage, je photographie en France et à l’étranger des «ruines contemporaines» liées à l’architecture du divertissement, poursuivant des constructions balnéaires avortées, point de départ d’un questionnement plus large sur le « postmodernisme », et la notion croisée « d’anthropocène ».
Les images inspirées par un voyage alimentent mes expositions. Elles fonctionnent en écho avec une sculpture autonome, ou au sein d’une installation. Utilisées sous différentes formes plastiques telles que caissons lumineux, voile de bateau imprimée, ou encore d’enseignes publicitaires déchues elles fonctionnent comme des prises de notes du réel et ne deviennent pas toutes des œuvres mais alimentent un fond spéculatif de villes champignons et autres signes dans lequel je puise et me réfère pour nourrir mes travaux en volume.

ML 2021

Architectures : une hantologie

« Cette logique de la hantise ne serait pas seulement plus ample et plus puissante qu’une ontologie ou qu’une pensée de l’être (…). Elle abriterait en elle, mais comme des lieux circonscrits ou des effets particuliers, l’eschatologie et la téléologie mêmes. Elle les comprendrait, mais incompréhensiblement ».
J. Derrida, Spectres de Marx

« Une fonction de l’hantologie est de continuer à insister sur le fait qu’il existe des futurs au-delà de la ligne terminale de la post-modernité. Quand le présent a abandonné le futur, nous devons écouter les reliques de ce dernier dans les potentiels non activés du passé. Quand le présent a abandonné le futur, nous devons écouter les reliques de ce dernier dans les potentiels non activés du passé ».
Mark Fisher, The Metaphysics of Crackle : Afrofuturism and Hauntology

Architectures : une hantologie pose l’hypothèse d’un rôle devenu central aujourd’hui de la spectralité dans les productions actuelles de l’Art comme dans la pensée contemporaine du projet Architectural. Dans l’histoire des modernités, des spectres n’ont jamais cessé de s’annoncer, de s’infiltrer sous la représentation architecturale pour se manifester aujourd’hui sous des formes singulières d’Images-Fantômes.

Architectures : une hantologie est né d’un désir commun entre artistes-enseignants et architectes-enseignants du domaine FACT-Formes, Arts, Cultures, Techniques – de proposer un séminaire trans-disciplinaire de recherche ouvert à tous (public, étudiants et chercheurs) pour re-visiter et re-panser à nouveau frais le rapport aujourd’hui contesté entre ART et ARCHITECTURE ; entre symptômes et fantômes, ce séminaire, inscrit dans un projet de recherche triennal, se propose avant tout de re-poser les termes de cette relation historique au prisme du concept d’hantologie. A partir du néologisme « Hantologie », Jacques Derrida initie dans un texte de 1993 : Le spectre de Marx, un concept ontologique, trace d’un passé qui nous hante encore, manifestation à la fois visible et imperceptible. Pour Jacques Derrida, la supposée disparition du communisme à la chute du mur de Berlin reste illusoire, et le spectre du communisme hante toujours implicitement les esprits. Dans les années deux mille, le théoricien critique britannique Mark Fisher (K-Punk) élargit ce terme hantologie à la pop-culture, analysant les cultures contemporaines comme hantées par les « futurs perdus » de la modernité ; dans son ouvrage Ghosts of My Life, il examine notamment les champs musicaux et cinématographiques (Joy Division, Stanley Kubrick…) qui mobilisent le passé comme matière brute, à partir d’enregistrements d’archives, pour composer des œuvres qui s’actualisent paradoxalement par les traces du passé.

Architectures : une hantologie reprend à son compte le terme « Hantologie », pour s’inscrire dans les voies ouvertes par Jacques Derrida et Mark Fisher, et ainsi enquêter dans l’émergence de formes actuelles sur les traces d’un passé alien irreconnaissable ; s’invitent à travers les logiques de la hantise, les relations historiques entre les pratiques de l’ART et celles de l’ARCHITECTURE.

Lors des séances du séminaire, praticiens et chercheurs seront ainsi invités à explorer les différents modes de survivances de la modernité passée dans les activités contemporaines architecturales comme dans les pratiques artistiques actuelles. Architectures : une hantologie se construit comme un projet anthologique des formes de Revenances qui convoque théories et pratiques à travers trois dispositifs : Le séminaire – L’exposition – La revue

L’exposition à l’ENSASE du 13 mai au 13 juin, viendra ainsi compléter les séances du séminaire et articuler expériences pédagogiques de l’atelier d’architecture Master EaTcAp avec les axes de recherches et les engagements théoriques propres aux travaux personnels d’artistes, d’architectes et de chercheurs.