RENCONTRE
Damien Faure, cinéaste
Une poétique de l’habiter
MERCREDI 27 FEVRIER A 18H30 – Amphithéâtre de l’ENSASE
Par une démarche qu’il qualifie de « ciné-mésologie », en référence notamment aux réflexions du géographe Augustin Berque, Damien Faure expérimente des manières de filmer qui naissent d’une écoute des lieux dans lesquels il promène sa caméra. Les sujets traités dans ses documentaires dialoguent avec sa posture et ses méthodes de cinéaste pour révéler l’architecture de milieux où sociétés et environnement entrent autrement en relation que par des rapports de domination et d’exploitation.
Damien Faure est cinéaste, diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Saint-Etienne en 1993, réalisateur de films documentaires, lauréat de prix et distinctions dans de nombreux festivals. A travers trois documentaires « Une poétique de l’habiter » (2018), « Milieu » (2015) et « Espaces Intercalaires » (2012), il semble faire siens et l’allégorie de la Théorie des Cordes et le livre de Tanizaki, « l’éloge de l’ombre ». Tout d’abord, en explorant le monde dans ses structures les plus fondamentales, par l’image, il nous révèle que l’espace est constitué de plusieurs dimensions cachées qui participent toutes de notre « habiter ». Puis, par une cinématographie qui suggère plus qu’elle n’éclaire, il montre que dans l’habiter, comme en architecture, il faut ménager une place à l’ombre, un espace à la réflexion.
« Une poétique de l’habiter », déambulation dans une ville utopique peuplée d’architectures poétiques quelque part au Chili, est autant une évocation d’Hölderlin qu’une illustration, qu’en pratiques, il est possible de saisir et de traduire l’habiter dans sa dynamique première par quelques uns de ses motifs privilégiés tels que la spatialité, la temporalité, la corporéité dans une synergie qui fait lieu. Dans son dernier documentaire, Damien Faure montre qu’il est possible d’imaginer un nouveau poème du monde, au-delà de la modernité et de (re)mettre en relation technoscience, éthique et esthétique.
« Milieu » nous éclaire dans la réflexion commune qui agite chercheurs, praticiens, élus, habitants sur les liens étroits que tissent nature et culture et sur la relation qu’une société entretient avec son environnement. Les espaces de l’ile de Yakushima au Japon que filment et arpentent Damien Faure sont chargés d’un sens qui imprègne et anime une existence concrète, dans et par une ambiance, dans et par un paysage en englobant l’ensemble de ces interrelations. Selon un tissage continu de mots, d’images et de sons entre nature et culture, ce documentaire fait acte du passage d’une conception du monde globale et uniforme, à celle, singulière et vivante, portée par le milieu et invite le spectateur à révéler, activer et intensifier, dans son quotidien, les liens d’interdépendance entre corps et esprit, matière et vie, terre et cosmos.
« Espaces Intercalaires » s’inscrit dans la lignée de l’ouvrage édité en 2001 par l’atelier Bow-Wow, « PET Architecture Guide Book », qui nous renseignait des « discrètes petites architectures » érigées sur des parcelles résiduelles. Damien Faure rend non seulement compte de l’ingéniosité dont ces architectures font preuve pour tirer parti des contraintes dimensionnelles et urbaines de leurs implantations mais aussi nous plonge dans celle de l’espace intérieur de ces bâtiments singuliers. Parvenant à capturer les singularités culturelles et spatiales de Tokyo, Damien Faure dresse ici un portrait à la fois poétique et sensible de la ville, de ses habitants et de leurs modes d’habiter.
Par ces trois films documentaires, Damien Faure nous permet de réfléchir aux enjeux, notamment ceux que doivent relever l’architecture et l’urbanisme : re-tisser les liens entre l’homme et son environnement, ré-engager des valeurs Humaines dans les modalités de ces rapports.
Rencontre animée par Georges-Henry Laffont, géographe, enseignant à l’ENSASE.