EXPOSITION

Espaces privés
Espaces de création

Photographies
Sandrine Binoux

15-25 MAI 2018

MARDI 15 MAI
18h « Les étudiants en école d’art », bilan partiel d’une étude – amphithéâtre de l’ENSASE
19h Vernissage de l’exposition – Salle d’exposition

Pour les artistes, l’activité de création n’a jamais véritablement respecté les découpages traditionnels entre un temps et un lieu affectés au travail et des temps et des lieux consacrés aux loisirs, à la vie personnelle et familiale. Au contraire, les artistes ont toujours ignoré ces frontières. Les peintres ne sont pas seulement dans leur atelier, mais travaillent en plein air (à la campagne, dans les villes). Des architectes croquent lorsqu’ils voyagent. Des écrivains rédigent leurs textes dans de multiples lieux publics (comme les bars) ou dans les espaces plus intimes de la chambre et du lit.

«Il y a des brouillons de manuscrits étalés sur le sol, tombés du lit pendant la nuit. Il y a la toile inachevée, punaisée au mur, et les senteurs d’eucalyptus qui ne parviennent pas à masquer l’odeur écœurante d’essence de térébenthine et d’huile de lin. Il y a des gouttes rouges de cadmium dans le lavabo de la salle de bains – et le long des plinthes – ou des éclaboussures au mur à l’endroit où le pinceau a dérapé. Un pas dans un espace de vie et l’on sent la centralité du travail chez quelqu’un. Des gobelets à moitié vides.
Des sandwichs achetés à l’épicerie à demi grignotés. Un bol où la soupe a laissé une trace encroûtée.
Ici règnent la joie et le laisser-aller. Un peu de mescal. Un peu de glandouille. Mais, pour l’essentiel, du travail. Voici comment je vis, me dis-je» Patti Smith, 2016, M Train, Paris, Gallimard, p. 80-81.

Cette dilution des frontières a tendance à se diffuser dans d’autres activités et espaces sociaux. Elle est permise par différentes formes d’emploi et la multiplication des outils modernes liés à la numérisation ; avec le smartphone et l’ordinateur portable il est possible de travailler en tous lieux et à toute heure. C’est d’ailleurs pour résister à cette dynamique que des salariés commencent à réclamer le «droit à la déconnexion» en n’étant plus obligés de travailler le dimanche.
Les étudiants, qui font un usage massif de ces outils modernes, constituent un groupe particulièrement marqué par l’effacement de ces frontières. Ils sont ainsi nombreux à utiliser leur ordinateur portable, étendus sur leur lit, passant d’un clic du travail à leur loisir, souvent à la surprise de leurs parents qui en sont restés à une vision plus traditionnelle du lieu de travail.

Dans son étude photographique sur les étudiants de différentes écoles d’art de Saint-Étienne, Sandrine Binoux rend compte de cette dynamique.
Invitée à leur domicile, elle a cherché à faire une lecture de leur espace de travail. Elle y a trouvé une sorte d’arrangement inconscient, comme une image déjà faite, riche en informations sur l’univers que constitue leur quotidien d’artiste en devenir.
Elle a regardé leur intérieur comme des compositions et les a conviés à une auto mise en scène. Un travail de portrait où le modèle joue un rôle actif car c’est lui qui, concrètement et consciemment, fait image. La photographe a gardé une marge de manœuvre ; elle a choisi le décor, le cadrage. Mais, elle a laissé le soin aux portraiturés de s’y inscrire, de peaufiner leur pose, de composer comme ils l’entendaient leur propre image pendant cette fraction de seconde d’immobilité imposée.

Focus a prit part à ce travail en faisant tout d’abord le lien avec les étudiants de l’ENSASE ayant accepté de se mettre en scène devant l’objectif de Sandrine Binoux. L’association a souhaité aller plus loin en échangeant avec cette photographe. Ce travail a offert aux membres de l’association la possibilité de porter un autre regard sur les études et les manières de travailler.

Le travail avec Sandrine Binoux a aussi permis, au fil des échanges, de comprendre le rôle du photographe et ce qu’il peut apporter. Les étudiants, Ismaël Touirssa et Tom Desinde, ont été l’oeil interne de ce travail. Ils ont pu photographier et capturer, parfois à la dérobée, des instants qu’ils vivent eux-mêmes au quotidien. Ils ont pu éclairer le travail étudiant, laissant transparaître les questionnements, les amusements, les découvertes.

Serge Proust, Corine Védrine, Jeanne Drouet, Sandrine Binoux, Tom Desinde, Ismaël Touirssa