SEMINAIRE

Architectures : une hantologie

Médiums

Patrick Condouret

Rémy Jacquier

Pierre-Albert Perrillat

MERCREDI 5 JUIN 9h30 – 12h30
Atelier 404

Entrée Libre

L’hantologie, du point de vue de Derrida, consiste plutôt à laisser le mort exister dans son altérité radicale, sans chercher à l’intérioriser dans un beau souvenir. Il s’agit plutôt d’apprendre à vivre avec l’échec du deuil, avec ce que la mort d’un être irremplaçable inaugure comme champ d’expérience inédit, par exemple la possibilité qu’il revienne sans cesse, et hante le présent où nous vivons. (source Benzinemag.net)

Intervention de Patrick Condouret, Rémy Jacquier et Pierre-Albert Perrillat, enseignants à l’ENSASE, en contrepoint de l’exposition What you see IS NOT what you see présentée dans le cabinet de dessins.

P. A. P. Si le terme de « macules » désigne en lithographie, ces feuilles de décharge sur lesquelles sont imprimées au hasard différentes planches de couleurs, ici sont déposés empâtements huileux et autres traces graisseuses sur des bouts de papier : une petite collection provisoire de papiers peints, en quelque sorte.
Qu’est-ce qui « se cache » dans ce disparate de feuillets tachés ? Ces touches en magma seraient-elles en quête d’une identité figurative? oui et non… Cette collection de macules ne procède ni des figures de Rorschach, ni d’une obscure « écriture griffée ». De cette composition « mise en pièces », si on a pu croire parfois identifier des figures végétales, des reliquats d’objets, des fruits momifiés, rien ne nous apparait clair dans ce cabinet de curiosité. Ne nous reste-il peut-être qu’à espérer entrevoir dans cette joyeuse expansion des croûtes « mal torchées », quelques spectres de l’histoire de la peinture.

P. C. Le revenant, « esprit d’un défunt censé revenir de l’autre monde pour se manifester aux vivants sous une apparence humaine » (CNRTL) renvoie au double, à l’ubiquité, mais aussi à la réplique, à l’imitation, au fac-similé… C’est autour de quelques œuvres personnelles que cette notion de double permettra d’effectuer un parcours archéologique et sinueux, entre lectures et objets, réminiscences littéraires et présences matérielles, persistance et impermanence. Sur la base du principe d’associations d’idées, il s’agira de mettre en lumière, pour ne pas dire en récit, ce qui est le plus loin dans le présent et pourtant si proche. Car au fond, que nous veulent les fantômes ?

R. J. On n’est jamais seul à l’atelier. Qu’il faille les éviter, les écouter ou les invoquer, on travaille toujours avec des fantômes référentiels derrière soi. À tel point que l’on peut se demander si les conditions d’apparition d’une forme, quelle qu’elle soit, ne dépend pas d’abord d’opérations de montages de ces différents fantômes et de la manière dont on arrive à rebondir de l’un vers l’autre pour se frayer, malgré tout, un chemin.
De la mise en place de processus d’enfouissement et de désenfouissement pour qu’émerge quelque chose dont on espère qu’elle puisse condenser ces traversées spectrales. Ce sont quelques exemples de ces traversées qui seront exposées lors de cette courte présentation.

Ce séminaire est organisé avec l’unité de recherche ECLLA “Études du Contemporain en Littératures, Langues, Arts” Université Jean Monnet

Architectures : une hantologie

« Cette logique de la hantise ne serait pas seulement plus ample et plus puissante qu’une ontologie ou qu’une pensée de l’être (…). Elle abriterait en elle, mais comme des lieux circonscrits ou des effets particuliers, l’eschatologie et la téléologie mêmes. Elle les comprendrait, mais incompréhensiblement ».
J. Derrida, Spectres de Marx

« Une fonction de l’hantologie est de continuer à insister sur le fait qu’il existe des futurs au-delà de la ligne terminale de la post-modernité. Quand le présent a abandonné le futur, nous devons écouter les reliques de ce dernier dans les potentiels non activés du passé. Quand le présent a abandonné le futur, nous devons écouter les reliques de ce dernier dans les potentiels non activés du passé ».
Mark Fisher, The Metaphysics of Crackle : Afrofuturism and Hauntology

Architectures : une hantologie pose l’hypothèse d’un rôle devenu central aujourd’hui de la spectralité dans les productions actuelles de l’Art comme dans la pensée contemporaine du projet Architectural. Dans l’histoire des modernités, des spectres n’ont jamais cessé de s’annoncer, de s’infiltrer sous la représentation architecturale pour se manifester aujourd’hui sous des formes singulières d’Images-Fantômes.

Architectures : une hantologie est né d’un désir commun entre artistes-enseignants et architectes-enseignants du domaine FACT-Formes, Arts, Cultures, Techniques – de proposer un séminaire trans-disciplinaire de recherche ouvert à tous (public, étudiants et chercheurs) pour re-visiter et re-panser à nouveau frais le rapport aujourd’hui contesté entre ART et ARCHITECTURE ; entre symptômes et fantômes, ce séminaire, inscrit dans un projet de recherche triennal, se propose avant tout de re-poser les termes de cette relation historique au prisme du concept d’hantologie. A partir du néologisme « Hantologie », Jacques Derrida initie dans un texte de 1993 : Le spectre de Marx, un concept ontologique, trace d’un passé qui nous hante encore, manifestation à la fois visible et imperceptible. Pour Jacques Derrida, la supposée disparition du communisme à la chute du mur de Berlin reste illusoire, et le spectre du communisme hante toujours implicitement les esprits. Dans les années deux mille, le théoricien critique britannique Mark Fisher (K-Punk) élargit ce terme hantologie à la pop-culture, analysant les cultures contemporaines comme hantées par les « futurs perdus » de la modernité ; dans son ouvrage Ghosts of My Life, il examine notamment les champs musicaux et cinématographiques (Joy Division, Stanley Kubrick…) qui mobilisent le passé comme matière brute, à partir d’enregistrements d’archives, pour composer des œuvres qui s’actualisent paradoxalement par les traces du passé.

Architectures : une hantologie reprend à son compte le terme « Hantologie », pour s’inscrire dans les voies ouvertes par Jacques Derrida et Mark Fisher, et ainsi enquêter dans l’émergence de formes actuelles sur les traces d’un passé alien irreconnaissable ; s’invitent à travers les logiques de la hantise, les relations historiques entre les pratiques de l’ART et celles de l’ARCHITECTURE.

Lors des séances du séminaire, praticiens et chercheurs seront ainsi invités à explorer les différents modes de survivances de la modernité passée dans les activités contemporaines architecturales comme dans les pratiques artistiques actuelles. Architectures : une hantologie se construit comme un projet anthologique des formes de Revenances qui convoque théories et pratiques à travers trois dispositifs : Le séminaire – L’exposition – La revue

L’exposition à l’ENSASE du 13 mai au 13 juin, vient ainsi compléter les séances du séminaire et articuler expériences pédagogiques de l’atelier d’architecture Master EaTcAp avec les axes de recherches et les engagements théoriques propres aux travaux personnels d’artistes, d’architectes et de chercheurs.